Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/112

Cette page n’a pas encore été corrigée

a été jadis un des centres du développement humain ; abondamment arrosée, d’une fertilité merveilleuse, elle a connu des civilisations hâtives et magnifiques. Ces débris que l’on y aperçoit de loin en loin — un amas de colonnes tombées ou quelque éboulement de pierres géantes — ont été des palais, des temples de l’époque cyclopéenne, consacrés aux plus anciens dieux de la terre. Tous ces personnages qui nous semblent à présent des fantômes de légende, les rois d’Hatzor, de Madon, de Simron, d’Acsaph et de Kinnaroth, puis Téglat-Phalazar, puis Nabuchodonosor y sont venus, sous un plus jeune soleil, y ont vécu d’une pleine vie, couru, haleté, crié dans l’ivresse des batailles, détruisant des armées et des villes… Et le Christ, des siècles plus tard, y a fait entendre sa parole délicieusement nouvelle, et pour finir, les paladins de France, la croix sur la poitrine, y ont accompli d’étonnantes choses… Maintenant plus rien. La race des hommes aux larges couronnes de laine noire et aux coiffures en oreilles de chèvre s’y est lentement répandue, comme une traînée d’obscurité et de sommeil. De tout ce qui avait été tant disputé, tant de fois détruit et reconstruit, ils ont fait peu à peu des ruines pareillement méconnaissables ; ils ont tout mêlé dans un néant uniforme, où les noms des villes antiques se sont même