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deviennent fréquentes ; jamais nous n’avions croisé tant de Bédouins sur notre route. Ils pullulent dans ces marais du Haut Jourdain, attirés par les eaux et les pâturages ; mais ce sont des Ghaouarineh, réputés inoffensifs. Suivant des pentes follement garnies d’herbes, nous descendons, descendons toujours, de plus en plus noyés dans la profusion des longues tiges frêles. Maintenant, on entend de tous côtés les sauvages petites flûtes bédouines ; des milliers de ces tentes, aux aspects de nids de chenilles, apparaissent, collées en rang sur les prairies. Le sol des battues, amolli et gras sous les pieds de nos chevaux, porte des empreintes d’innombrables bêtes, et nous croisons des défilés sans fin de bœufs noirs, de chèvres noires, que des pâtres au visage sombre et au burnous noir ramènent en musique vers des campements noirs. Non, jamais nous n’avions vu autour de nous un tel fourmillement de nomades ; ces Bédouins, que nous étions accoutumés à rencontrer en petits groupes, espacés au milieu des solitudes, vivent par légions ici, sous les roseaux de ces marais qui de loin nous avaient semblé déserts. Ils nous donnent l’illusion de la puissante vie pastorale des vieux âges : quelque agglomération primitive au bord des lacs… Et cette contrée sur laquelle ils sont venus s’abattre