Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

âge appréciable, où cependant je ne sais quelle mélancolie apaisée semble indiquer plutôt la fin que le commencement des temps. La mer de Tibériade, déjà lointaine sous nos pieds, n’est plus qu’une petite nappe d’un bleu clair et céleste, au milieu du vert infini des montagnes de Galilée. Et nous regardons s’en aller toute la région sainte, vers laquelle nous ne retournerons jamais plus — sorte de patrie mystique où nous avions espéré trouver autre chose que le sentiment de la nature souveraine et de son renouveau éternel… Au bout d’une heure et demie de montée, sur un sommet après lequel nous recommencerons à redescendre dans les contrées basses d’au delà, nous rencontrons une grande construction humaine, d’un brun sinistre au milieu des foins ; ce qu’on appelle en Syrie un Khân, moitié caravansérail et moitié forteresse. C’est une ruine, il va sans dire, une ruine abandonnée depuis que les caravanes ont cessé de sillonner ce pays dépeuplé ; les herbes l’ont envahie et elle se reflète dans un étang, qui est à ses pieds comme une glace immobile. Au dire de nos guides, elle est pleine de serpents dangereux, et nous cueillons sur ses murs la rare et triste mandragore. C’est de là que nous jetons notre regard d’adieu sur la mer de Tibériade…