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nous trouvons replongés dans les chaudes solitudes, marchant presque enfouis sous les herbages. Il nous faut d’abord franchir les montagnes qui entourent le lac de Tibériade, et nous nous élevons par degrés au-dessus de la plaine de Gennesareth, qui demeure longtemps déployée sous nos yeux et nous fuit peu à peu, en profondeur. Elle n’est dans toute son étendue qu’une jungle inextricable, où les plantes ont des proportions inusitées, chardons, roseaux, lauriers-roses ou papyrus. Du reste, le fouillis de graminées et de fleurs dans lequel nous nous frayons un passage se maintient toujours aussi puissant, dans les régions hautes où nous voici bientôt arrivés. Au temps où elle était cultivée, cette Galilée devait être un jardin d’abondance, et on ne s’explique vraiment pas les raisons humaines d’un tel délaissement. Très loin, très loin, sur une montagne des chaînes occidentales, se distingue comme une traînée blanchâtre : c’est Safed, un autre fantôme de ville dans le genre de Tibériade et où les juifs, paraît-il, ont commencé à revenir en masse. Elle semble s’être perchée là-haut par frayeur des Bédouins d’en bas. Nous la perdons de vue bientôt, la laissant à une journée de marche sur la gauche de notre route, et nous n’avons plus autour de nous qu’un Éden sans