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encore, deux mille ans après lui, dans des âmes sans nombre. Il parlait de fraternité, à une époque où ce mot, déchu à présent de sa grandeur première par l’abus hypocrite que nous en avons fait, était nouveau, stupéfiant et sublime. Tous les hommes frères, tous les peuples frères et, au même titre, enfants de l’Éternel ! Les murs des vieux temples en tremblaient, car on était encore à l’âge des haines irréductibles entre les races et entre les dieux. Et celui qui proclamait cela était d’Israël, la nation la plus fermée et la plus dédaigneuse de toutes ! Il parlait d’abnégation, de charité, d’amour, et c’était une musique fraîche et délicieuse, qu’on n’avait encore jamais soupçonnée autour de lui et qui ravissait les âmes. Il dépassait encore — quoi qu’on ait voulu dire plus tard — le bouddha Çakia-Mouni, qui avait été avant sa venue le plus divin des hommes. Et les érudits qui, de nos jours, ont essayé d’expliquer humainement sa mission, n’y sont pas parvenus encore, pas plus du reste qu’ils n’ont éclairci le mystère des prophètes annonciateurs et du livre insondable d’Isaïe. Alors, autour de lui continuent de rayonner quand même les lueurs incompréhensibles… Oh ! ce qu’il disait surtout, et ce que Çakya-