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des yeux, des visages, dont nous ne retrouverions plus la poussière. Il parlait de pardon, de miséricorde infinie, en un temps où les hommes ne connaissaient que les dieux sombres, dictateurs des anciennes lois de vengeance et de sang. Il disait des choses inouïes et merveilleuses !… Oh ! si on pouvait les entendre encore, sans les retouches humaines qui nous les ont diminuées, telles que les ont entendues les roseaux et les pierres de cette rive, et en retenir l’expression rigoureuse, moins symbolique sans doute que celle des Évangiles et plus appropriée aux âmes de tous les temps… Nous pouvons à peine comprendre, nous qui avons maintenant au fond de nous-mêmes de si longues hérédités chrétiennes, combien étaient neuves et bouleversantes les paroles de Jésus à l’époque où il les prononçait. Auprès du puits de Sichem, quand il disait : « Le temps va venir où vous n’adorerez plus sur la montagne ni dans Jérusalem ; Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité », il était le premier à secouer de l’épaule cette étroite vénération des autels et des sanctuaires, qui était alors la base de toutes les religions humaines et qui subsiste