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Dédicace aux enfants de nos écoles,
à l’occasion de leurs distributions de prix




On a bien voulu me demander de parler ici aux petits enfants de France, et de leur parler de notre patrie. Or, voici que soudain je me sens effrayé devant une si belle mission : en effet, jadis n’ai-je pas été plutôt un errant qui a trop éperdument vibré partout, sous le charme de tous les pays de la Terre… Il est vrai, au soir de ma vie, je viens de connaître que rien n’est adorable comme notre patrie française et qu’il faut tout sacrifier sans mesure, nos biens, nos existences, celle de nos frères et celles de nos fils, pour la défendre ; non seulement à cause de nous-mêmes, qui ne pourrions que mourir de sa mort, mais aussi parce qu’elle est une lumière, qui ne saurait s’éteindre sans obscurcir un peu le monde.

Laissez-moi en commençant relever une triste phrase, qui peut être a déjà été prononcée devant vous, car il semble qu’elle ait une tendance à se propager dans certains milieux « Nous faisons la guerre pour les riches » ai-je entendu dire hélas ! de différents côtés, par de pauvres aveuglés, non pas, Dieu merci, dans les tranchées, mais à l’arrière, où des énergumènes sinistres ont eu le loisir de travailler les esprits ? D’où peut bien sortir cette petite formule reptilienne, qui est l’absurdité même et qui sent le Boche ? Oh ! quel blasphème éhonté ! N’est-il donc plus de toute évidence que nous faisons la guerre pour nous défendre, les uns aussi bien que les autres, contre la plus abominable agression qu’aient connue les temps modernes et qui dépasse en horreur ce qu’avaient osé