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La jungle, quand j’arrive là, s’étend silencieuse et déserte sous le chaud soleil du soir. Personne aux abords de ce temple ; mais par terre un amas de fleurs fanées encore odorantes, jasmins et gardénias : toutes les jonchées blanches des précédents jours, témoignant que les dieux d’ici ne sont point oubliés.

Les roches, à tournure de monstre, baignent d’un côté dans un étang, où des crocodiles habitent sous les grandes fleurs des lotus. De près, on distingue, le long de leurs flancs polis, de vagues bas-reliefs à peine indiqués, estompés, dirait-on, et fuyant sous le regard comme des reflets, mais d’un dessin habile qui donne l’illusion de la vie : cela représente des trompes, des oreilles, des pieds, des contours d’éléphants ; on a utilisé, avec un art singulier, les mystérieuses dispositions de la pierre, qui avait déjà pris un peu de la structure de ces bêtes royales, avec la teinte et le grain de leur peau. Et, par places, dans les replis de ces formes rondes, des plantes ont poussé, qui n’ont pas l’air vraisemblable, tant elles sont nettes et éclatantes sur ces fonds couleur de vieux cuir : des pervenches trop roses, des hibiscus trop rouges, et de jeunes arékiers trop magnifiquement verts, pareils à des touffes de plumes au bout de hampes en roseau.

Derrière le groupe des rochers se cache une antique maisonnette pour les bonzes gardiens, et l’un d’eux sort à ma rencontre ; un jeune homme, drapé, comme tous