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Et sur ces ruines bientôt disparues, le matin se lève, aussi tranquille que jadis il se levait sur la forêt primitive, aux temps les plus lointains du monde.



Avant d’aborder sur la grande terre, j’avais à recevoir, dans l’île de Ceylan, une réponse de certain gracieux Maharajah dont je dois être l’hôte, et, pour ces quelques jours d’attente forcée, j’ai voulu me réfugier ici, par dégoût des odieuses villes cosmopolites de la côte.

La route que je fis hier pour venir fut déjà une longue préparation, favorable aux enchantements de ce lieu.

Il fallut partir avant jour de Kandy, la ville des anciens rois cingalais, et voyager d’abord à travers des régions de grandes palmes, où toute la magnificence équatoriale était déployée. Puis, dans l’après-midi, la nature changea ; les larges plumes des cocotiers et des arékiers peu à peu disparurent : nous étions entrés dans une zone sans doute moins brûlante, où les forêts ressemblaient davantage à celles de nos climats. Sous une pluie chaude et parfumée, incessante, par des routes au sol détrempé, dans une petite voiture qui relayait environ toutes les cinq lieues, nous allions au gré de nos chevaux, au triple galop, ou bien au pas entêté, avec des ruades. Plus d’une fois, nous dûmes sauter précipitamment à terre, parce qu’une bête encore sauvage,