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veilleuse d’Anuradhapura s’est éteinte sous la nuit des feuilles.

À travers l’épaisseur d’un ciel plombé, où couvent des orages et des pluies, lentement le jour vient — tandis qu’il est minuit là-bas, dans mon pays de France. Une fois de plus, la Terre vieillie va présenter à la lumière de son soleil cette région des grandes ruines, qui achèvent de se pulvériser et de s’anéantir dans la verdure souveraine.

Où donc est-elle, la merveilleuse ville ?… On promène partout les yeux, comme, de la hune d’un navire, on regarderait le cercle monotone de la mer, et rien d’humain ne paraît s’indiquer nulle part. Seulement des arbres, des arbres et des arbres, dont les têtes se succèdent, magnifiques et pareilles ; une houle d’arbres, qui s’en va se perdre dans des lointains sans bornes. Là-bas, des lacs, où sont maîtres les crocodiles et où viennent boire, au crépuscule, les troupeaux d’éléphants sauvages. C’est la forêt, c’est la jungle, — d’où commence de monter vers moi l’appel matinal des oiseaux. Mais la merveilleuse ville, sa trace même ne se retrouve donc plus ?…

Cependant des collines bien étranges, boisées, vertes comme la forêt, mais de contours par trop réguliers, en forme de pyramides ou de coupoles, se dressent çà et là, isolées, au-dessus de l’uniforme étendue des feuillages… Et ce sont les tours des vieux temples, les