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La nuit immense et sereine va bientôt rendre de plus justes proportions à toutes choses. Déjà s’indiquent, dans l’incommensurable espace, les peuplades errantes des soleils. Et la notion nous revient, du vide noir où ils tombent tous et où nous tombons aussi — dans l’effréné sillage de l’un quelconque d’entre eux. Autour de celui-là qui nous entraîne, oh ! la course misérable que fournissent nos petites planètes, précipitées sur lui sans pouvoir l’atteindre jamais, et ainsi, affolées par l’énorme voisinage, décrivant jusqu’à la consommation des temps leur furieuse spirale, au lieu de rouler plus librement dans l’abîme, comme font tous ces soleils.

Aucun nuage nulle part, du zénith à l’horizon, la même limpidité merveilleuse : le voici donc dévoilé autant qu’il puisse l’être à nos yeux, ce vide sans bornes où les monstrueux univers tombent par myriades, tombent, tombent, rapides comme les gouttelettes d’une incessante pluie de feu. Et cependant, avec la nuit, un apaisement délicieux descend pour nous du ciel étoile. On dirait une sollicitude, une pitié d’en haut, qui peu à peu s’épandraient sur nos âmes pardonnées…

Mon Dieu, puissent-ils un peu m’en convaincre, de cette sollicitude et de cette pitié, les Sages de l’Inde, auprès desquels je m’en vais !…