Page:Loti - L’Inde (sans les Anglais).djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se tient tout près de lui, tout près, comme par terreur du froid et de l’obscurité où là-bas roulent, dans de plus vastes orbites, de moins négligeables planètes. Ce bleu, sur lequel se joue l’incessante fantasmagorie des nuages, et qui nous semble profond, n’est qu’un voile si mince, étendu pour tromper nos yeux et nous cacher du noir ; non, tout cela n’est rien ; ce qui est vrai, c’est ce noir caché derrière. Ce qui est éternel, ce qui est souverain, ce qui ne commence ni ne finit, c’est ce noir, ce vide noir, où jamais, jamais, aux siècles des siècles, ne s’arrêtera la chute silencieuse des mondes.



Encore sept ou huit jours de route, au milieu de tout ce bleu lumineux du ciel et de la mer, et je toucherai au but de mon voyage.

Avec quelle inquiétude de ne rien trouver, avec quelle crainte des déceptions finales, je m’en vais là, dans cette Inde, berceau de la pensée humaine et de la prière, non plus comme jadis pour y faire escale frivole, mais, cette fois, pour y demander la paix aux dépositaires de la sagesse aryenne, les supplier qu’ils me donnent, à défaut de l’ineffable espoir chrétien qui s’est évanoui, au moins leur croyance, plus sévère, en une prolongation indéfinie des âmes…