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certain étonnement ce petit carton dans mes doigts : j’avoue qu’il confond toutes les notions de japonerie que mon séjour à Nagasaki m’avait données. Ce bal européanisé, ce grand monde de Yeddo en habit noir et en toilette parisienne, je ne me représente pas cela très bien…

Et puis, au premier abord, cette comtesse (de même que ces différentes marquises aux noms étranges que j’ai vues mentionnées hier dans une chronique élégante du pays) me fait sourire.

Après tout, pourquoi ? Elles descendent de familles seigneuriales, ces femmes ; elles n’ont fait que changer leur titre japonais contre une équivalente couronne française ; l’éducation et l’affinement aristocratiques n’en sont pas moins réels et héréditaires. Il se peut même qu’il faille remonter beaucoup plus loin que nos croisades pour trouver les origines de ces noblesses-là, perdues dans les annales d’un peuple si vieux…

Le soir de ce bal, il y a foule à la gare de Yokohama, au départ de huit heures trente. Toute la colonie européenne est sur pied, en toilette parée, pour répondre à l’invitation de cette comtesse. Les messieurs en claque ; les dames encapuchonnées de dentelles et relevant de longues traînes claires sous des pelisses de fourrures : et ces invités, dans des salles d’attente pareilles aux nôtres, s’abordent en français, en anglais, en alle-