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Elles forment un groupe à peindre, les mousmés, avec leurs petites tournures un peu précieuses, les couleurs fraîches et heurtées de leurs costumes, et leurs larges ceintures nouées en coques bouffantes. La nuit tombe tout à fait, et le temps s’est voilé de gris avec un air d’hiver ; dans l’encadrement sombre de la porte, elles apparaissent très éclairées ; tout ce qui reste de lumière s’est concentré sur elles, bizarrement. Au delà de leurs têtes, on voit fuir la petite rue déserte ; ses maisonnettes de bois noirâtre découpent, en séries de festons et de pointes, leurs toitures débordantes sur le gris crépusculaire de ce ciel où des chauves-souris passent. Au moment de quitter cette ville où je ne reviendrai certainement jamais, une mélancolie m’arrive je ne sais d’où, avec la conscience d’être si seul et d’être si loin.

C’est déjà fini, l’emballage habile de ce vieux. Alors je paye, je dis à la ronde un sayanara (adieu) pour l’éternité, et nous recommençons à courir, emportant la nouvelle caisse des lotus d’or.

Il était écrit sans doute que je n’en finirais pas avec ce Kioto ; voici, au détour d’une rue, dans le clair-obscur, une physionomie tellement attirante que, d’un coup d’éventail dans le dos d’Hamanichi mon premier djin, j’arrête encore mes équipages.