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vaste machine commence avec lenteur, au bruit des gongs, son mouvement circulaire ; alors on voit tourner et fuir ensemble le décor et le groupe final subitement immobilisé dans son dernier geste. Peu à peu la cloison centrale découvre au public son autre face, à laquelle est accroché le décor suivant ; du même coup, l’autre moitié de la plaque amène les nouveaux acteurs, tout prêts, tout posés, servis comme sur un plateau.

Pendant un intermède, je visite les dessous, les loges d’acteurs, les coulisses. Une vieille dame noble, magnifiquement parée, a joué son rôle avec une distinction extrême et de beaux accents de tendresse maternelle. Alors j’ai désiré la voir de près.

Elle me reçoit avec un engageant sourire. Mais elle est un homme, naturellement, une espèce de mauvais drôle d’un âge ambigu, qui, pour changer de costume pendant cet entr’acte, étale la laideur de son corps jaune, s’est mis nu comme un sauvage, gardant toutefois son chignon monumental piqué d’épingles et sa figure de vieille dame.

En passant dans la rue, si l’on entend sortir d’une maison un bruit de guitares jouant en fièvre comme les czardas hongroises, on peut entrer pour voir : c’est un entrepôt de guéchas (musiciennes et danseuses de profession) qui se louent le soir pour les dîners et les fêtes. Presque