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les personnes comme il faut. Par terre, sur des nattes, est assise la foule rieuse des gens communs, avec des centaines de petites boîtes à fumer, de petits réchauds, de petites pipes.

On joue là dedans du matin au soir des drames qui durent jusqu’à huit jours, et d’un réalisme atroce, avec du vrai sang qui coule. À l’orchestre, des gongs, des claque-bois, des guitares, des flûtes ; tout cela grince, gémit, détonne, avec une étrangeté inouïe et une tristesse à faire frémir.

Comme chez nous, ce n’est plus guère qu’au théâtre qu’on retrouve encore les splendides costumes, les armures, le luxueux cérémonial des temps passés. Les acteurs déclament du gosier, lentement, distinctement, en chantant presque, avec une monotonie de mélopée. Comme chez nous toujours, il en est pour qui l’on se passionne, et la plupart d’entre eux font payer leur luxe par quelque belle dame qui minaude aux tribunes.

Quant aux actrices, elles ont beau être gentilles, avoir des voix douces, des airs câlins, il ne faut pas s’y laisser prendre : ce ne sont jamais que des hommes, grimés et portant perruque.

Les planches sont une plaque tournante, en très grand comme celles des chemins de fer. Une cloison, qui supporte le décor et forme le fond de la scène, est bâtie sur cette plaque et la partage en son milieu, de manière à n’en laisser visible que la moitié. Et quand l’acte est fini, toute la