Page:Loti - Japoneries d’automne, 1926.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Demain, ces jardins s’ouvriront encore une fois, pour une fête de second ordre. Tous les hauts fonctionnaires d’Yeddo viendront regarder après nous les fleurs un peu moins fraîches des chrysanthèmes et luncheront à cette même table ; mais, pour eux, l’impératrice ne se montrera pas. Jusqu’au jour des cerisiers fleuris, en avril prochain, on ne la verra plus.

Il ne nous est même pas permis aujourd’hui de suivre de trop près son cortège ; il faut rester là et attendre respectueusement, pour partir, qu’elle soit rentrée chez elle, qu’elle ait repris son invisibilité de mythe religieux.

Encore quelques dernières et suprêmes minutes à l’apercevoir là-bas, elle et sa suite. Vues de dos dans le lointain, toutes ces femmes, avec leurs camails semés d’yeux, avec leurs manches pagodes retombant jusqu’à terre droites et symétriques de chaque côté du corps, semblent de grandes et merveilleuses phalènes crépusculaires à tête noire, qui s’en iraient tout debout, les ailes pendantes, les ailes au repos.

L’orchestre achève maintenant l’hymne japonais qu’elles sont trop loin pour entendre, et sans transition, presque sans arrêt, commence un air sautillant du Petit Duc qui tombe en douche moqueuse sur cette fin de fête, qui sonne ironiquement le réveil après le rêve. C’est aussi le signal d’une détente générale : tout le monde, à