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santhèmes en relief, s’est soulevée et je l’ai aperçue… Son petit visage peint m’a glacé et charmé.

Elle passe devant moi, à me frôler, me jetant sur la poitrine son ombre, que j’aurais aimé conserver comme une chose très rare. Je l’ai bien regardée, et elle est du tout petit nombre des femmes auxquelles convient, dans son acception la plus raffinée, l’épithète exquise.

Exquise et étrange, avec son air de froide déesse qui regarde en dedans, qui regarde au delà, qui regarde on ne sait où ; exquise avec ses yeux à peine ouverts, tout en longueur comme deux obliques lignes noires et très distants de ces deux autres lignes plus minces qui sont ses sourcils. Un sourire inexpressif de morte entr’ouvre ses lèvres carminées sur ses dents blanches. Son petit nez transparent est à demi courbé en bec d’aigle, et son menton s’avance, impérieux et dur.

Son costume ne se distingue pas de celui des dames de sa suite ; les ailes de sa coiffure sont peut-être plus larges encore et son catogan plus long, parce que ses cheveux sont plus beaux ; mais seules les couleurs de son ombrelle et les taches de son camail indiquent, pour qui connaît le blason japonais, qu’elle est la souveraine.

Et cependant, même sans cela, je l’aurais reconnue entre toutes, à un charme dominateur que les autres n’ont pas.