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semés, tigrés, si l’on peut dire, de larges taches régulières, d’un merveilleux éclat, qui semblent de grands yeux sur des ailes de papillons, qui semblent regarder comme des prunelles louches. Ces taches rondes sont symétriques et de même dimension sur tous les camails, mais varient, pour chaque dame, de nuance et de dessin : examinées de près, elles représentent des oiseaux aux plumes étalées en cercle, ou des chimères enroulées sur elles-mêmes la tête au milieu, ou bien encore des feuilles d’arbre groupées en rosaces ; — et elles sont les armoiries des nobles et antédiluviennes familles.

Et cette coiffure en ailes entr’ouvertes, qui l’a imaginée, d’où leur est-elle venue ? Aucun nœud, aucune coque, aucune épingle piquée, rien qui puisse rappeler, sur ces têtes de princesses, le chignon si connu des Japonaises ordinaires. Elles font, avec leurs cheveux gommés, quelque chose qui ressemble à un très plat et très large bonnet de sphinx égyptien en laque noire et qui se termine derrière par un long catogan, par une queue à la chinoise…

Elle est tout près, l’impératrice ; elle va passer. Tous ses invités s’inclinent profondément sur sa route ; les seigneurs japonais sont cassés en deux, dans leurs habits noirs, les mains à plat sur les genoux, la tête penchée vers la terre ; les Européens sont courbés en salut de cour… La grande ombrelle violette, délicieusement brodée de chry-