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Comme elles sont exquises, au contraire, les princesses leurs sœurs, agitant leurs grands éventails de rêve ! Il en vient toujours de nouvelles, du fond de ces jardins bas que je ne cesse de surveiller, guettant toujours l’apparition de la souveraine ; elles s’avancent lentement, aux frou-frous de leurs camails qui font songer aux trois robes de Peau-d’Âne ; dans le nombre, je reconnais encore quelques danseuses des bals de ministère, mais si transfigurées aujourd’hui ; non plus étriquées par nos longs corsets en gaine, mais vraiment nobles d’aspect dans leurs tenues de prêtresses ou d’idoles. Grands saluts, grandes révérences à la nippone, qu’elles distribuent et qu’on leur rend malgré soi de la même manière, à mesure qu’elles arrivent à petits pas au milieu de nous, éblouissantes à côté de nos vêtements tristes, à côté des nuances neutres de deux ou trois ambassadrices européennes qui sont là…

Déjà le soleil baisse, il est quatre heures ; la lumière plus dorée, l’espèce de brouillard d’or rose du soir commence à descendre dans les jardins… Un mouvement parcourt tout à coup les groupes, une petite rumeur passe, puis fait place au silence. Sur un signe, l’orchestre qui jouait s’arrête au milieu d’une phrase, puis tous les instruments entonnent ensemble un chant religieux japonais, vague, lent et lugubre, comme