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s’est peut-être efforcé de le dissimuler, lui aussi, de le rendre invisible comme les personnes qui le hantent ; il me fait l’effet maintenant d’un lieu à moitié chimérique. Nous franchissons des terrains vagues, des cloaques, des fossés où les lotus sont déjà jaunis et fripés par le vent du Nord, des enceintes de remparts bas ressemblant à des murs cyclopéens qui, je ne sais pourquoi, coupent la ville. Et nous croisons des passants crottés, vêtus tous de piteuses robes en coton bleu qu’ils retroussent sur leurs jambes nues. En somme, un Japon maussade et banal, que j’ai déjà vu cent fois, et qui prend un air pleurard encore plus ennuyeux sous la pluie… car je crois qu’elle tombe, l’affreuse pluie, décidément.

« S’il pleut le 9, la fête sera le 10. » — Allons, il pleut, c’est incontestable ; il pleut même à verse à présent. Inutile de se faire conduire au palais ; d’ailleurs je suis déjà trempé, plus du tout présentable. Mais que devenir ? On ne peut vraiment pas aller rôder dans les maisons-de-thé en grand uniforme ! Mes coureurs rabattent sur moi la capote de mon petit char, ils endossent leur manteau en paillasson qui leur donne l’air de porcs-épics, — et je rebrousse chemin, sous un vrai déluge, pour aller demander l’hospitalité à quelques amis de la légation de France, en attendant l’heure de reprendre la route d’Yokohama par le train du soir.