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Ce sont les rez-de-chaussée surtout qui jettent au dehors les plus vives traînées de lueurs, — comme chez nous, les étalages des magasins élégants.

Étalages en effet, mais bien étranges !… Ils sont grillés de barreaux légers, comme si, tout le long des maisons, s’ouvraient d’interminables ménageries ; mais de barreaux dorés, très fins, qu’on ne mettrait point à des bêtes féroces, — à des oiseaux tout au plus.

Est-ce un immense et immobile musée de cire ? Une collection de poupées merveilleuses ?? Une exposition générale d’idoles ???… Des femmes sont là, dans ces devantures, sur des estrades, derrière ces minces grillages, en pleine lumière sous des réflecteurs ; d’un bout de rue à l’autre, elles sont alignées par centaines, avec une correctitude de régiment prussien, toutes dans une pose identique. Leurs costumes de soie sont des plus fraîches couleurs, roses, bleus, verts, rouges, chamarrés d’argent et d’or, brodés délicieusement de papillons, de monstres, de dragons, de feuillages. Elles ont des coiffures larges, piquées de grandes épingles ; elles sont assises sur des tapis écarlates, et elles se détachent, pour plus de pompe, sur des écrans très rapprochés, qui ne laissent rien voir de l’habitation intérieure, et qui sont en laque d’or, peints et ouvragés avec autant d’art que les panneaux des temples.