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des complets gris d’un galbe adorable, qui leur font de ces longs dos étroits comme en ont les singes en lévite. Le dîner est du reste atroce, pas même chaud ; des quinquets à pétrole l’éclairent faiblement ; un silence complet règne dans la maison — et aussi alentour, dans le grand parc vide et noir où commence une nuit de gelée. Il y a pourtant une cigale, en enfance sénile probablement, qui chante encore on ne sait où. Et deux messieurs japonais, épris des choses champêtres, se sont fait servir dehors, aux lanternes, sous la tonnelle de glycine effeuillée et mourante. J’ai déjà dit, je crois, qu’en ce pays on refusait de prendre l’hiver au sérieux.


Huit heures. Je suis redescendu de l’Uyeno, où les quelques réverbères espacés le long des avenues principales ont peine à percer la nuit des grands arbres.

Je suis en bas, à la station des petits chars et des coureurs, très indécis sur ce que je vais devenir. Que faire ? Retourner tout droit à la gare, prendre le train de neuf heures, rentrer sagement à Yokohama et, par un sampan de louage, rejoindre en rade mon navire… Mon Dieu, j’ai bien encore le train de minuit, puisque nous ne devons lever l’ancre qu’au petit jour ; — le train de minuit… qui me donnerait le temps… de me promener un peu…