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C’est à qui m’emportera, on se dispute et on se pousse. Mon Dieu, cela m’est égal à moi, je n’ai aucune préférence, et je me jette dans la première voiture venue. Mais ils sont cinq qui se précipitent, pour s’atteler devant, s’atteler en côté, pousser par derrière. Ah ! non, c’est beaucoup trop, et deux me suffisent. Il faut parlementer longtemps en ayant l’air de se fâcher, pour se débarrasser des autres. À la fin c’est compris : un djin entre les brancards, un djin attelé en flèche par une longue bande d’étoffe blanche, et nous partons comme le vent.

Quelle immense ville, ce Kioto, occupant avec ses parcs, ses palais, ses pagodes, presque l’emplacement de Paris. Bâtie tout en plaine, mais entourée de hautes montagnes comme pour plus de mystère.

Nous courons, nous courons, au milieu d’un dédale de petites rues à maisonnettes de bois, basses et noirâtres. Un air de ville abandonnée. C’est bien du vrai Japon par exemple, et rien ne détonne nulle part. Moi seul je fais tache, car on se retourne pour me voir.

Ha ! ha ! ho ! hu ! Les djin poussent des cris de bête pour s’exciter et écarter les passants. Assez dangereuse, cette manière de circuler dans un tout petit char d’une légèreté excessive, emporté par des gens qui courent, qui courent à toutes jambes. Cela bondit sur les pierres, cela s’incline