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mené la grande vie à mes frais ; mon guide s’est fait offrir une gratification et un déjeuner, etc., etc. Il faut rectifier tous ces abus, non pour la somme en elle-même, car elle est encore bien minime malgré tant de duperies, mais pour n’avoir pas l’air trop niais, car en ce pays si on se montre trop généreux, les gens vous récompensent en moqueries et en mauvais tours.

Pendant cette vérification, mes coureurs, dans la rue, qui se sont mis en tenue de voyage (petite veste d’indienne très courte et pas de pantalon), grelottent, s’impatientent, sautillent d’un pied sur l’autre, tout courbés, tout ratatinés de froid, leurs respirations faisant autour d’eux des buées blanches, dans l’air matinal, sec et pur.

Il paraît que tout a été convenablement réglé, que j’ai payé suffisamment mais pas trop, car les adieux sont parfaits, — et d’un correct !… Quand je monte dans mon petit char, tout le personnel de la maison-de-thé sort sur la porte, puis se prosterne, tombe à quatre pattes, marmotte en chœur des vœux de bon voyage.

Dès que j’honore d’un coup d’œil ce groupe respectueux, les chignons s’inclinent davantage et les fronts touchent le sol. Et toujours, toujours ainsi ; tandis que nous nous éloignons rapidement, chaque fois que je me retourne pour les apercevoir encore, quand ils sont déjà très loin, devenus tout petits comme des marionnettes, sous mon