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puis il fait plus lugubre ici que chez Yeyaz ; c’est plus encaissé, plus obscur sous les cèdres ; des suintements d’eau partout ; l’humidité verdâtre des fonds de puits, l’envahissement des capillaires et de certaines mousses, voisines des algues, qui, d’ordinaire, ne croissent que dans les fontaines…

Il y a dans la Sainte Montagne encore beaucoup d’autres temples, d’autres portiques de bronze aux architraves relevées en croissant de lune, d’autres kiosques, d’autres tombeaux ; on y monte, sous la même voûte d’arbres gigantesques, par d’autres avenues bordées des mêmes balustres et tapissées des mêmes velours verts ; c’est toute une ville des Esprits, bâtie sous bois et sans habitants visibles.

Mais ces deux temples d’Yeyaz et d’Yemidzou sont d’une beauté trop écrasante ; on passe ensuite indifférent devant les autres, qu’on aurait certainement beaucoup admirés ailleurs. Du reste, à la longue, on éprouve une lassitude à voir tant d’or, tant de laque, tant d’étonnant travail accumulé ; c’est comme un enchantement qui durerait trop ; et puis cela dégoûte de ce qu’on avait vu précédemment, de ce que l’on possède et des lieux qu’on habite, si recherchés qu’ils puissent être ; cela fait prendre en pitié beaucoup de belles choses terrestres. — Et si c’est une fatigue de regarder, à plus forte raison sans doute en est-ce une de lire ces descriptions que je fais, qui ne peuvent être que des espèces de minutieux