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comme verre, dont le premier fondement était de jaspe, le second de saphir, le troisième de calcédoine… D’ailleurs toutes les bêtes de l’Apocalypse, descendues du ciel, sont venues se ranger en légions sur ce temple, qui est maintenant devant nous, occupant tout le fond de cette cour. Sa façade et son portique rappellent la précédente enceinte, avec plus de richesse encore, plus de recherche surtout et de rareté exquise dans les formes ornementales ; la conception d’ensemble en est encore plus étrange et plus mystérieuse ; ses « chiens-célestes » et ses dragons d’or, plus extravagants d’attitudes, semblent plus menaçants, plus furieux de nous voir.

Ce temple a trois cents ans ; il est entretenu avec un soin minutieux ; on n’a pas laissé ternir une seule de ses dorures ; il ne manque pas un pétale à ses milliers de fleurs, ni une main à ses milliers de personnages, ni une griffe à ses milliers de monstres. Et cependant, à je ne sais quoi d’un peu atténué dans son éclat, d’un peu déjeté dans ses grandes lignes, on a parfaitement conscience de sa vieillesse ; et puis il y a ces granits et ces bronzes des soubassements sur lesquels, par un affinement de goût, on a respecté les mousses envahissantes, les lichens lentement rongeurs : tout cela accentue la notion que l’on perçoit, dès l’abord, de son grand âge. Et cette notion, du reste, est nécessaire à apaiser l’esprit ; car, si dans les