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Au dedans, tout est laque noire et laque d’or, laque d’or surtout. Au-dessus de l’enchevêtrement compliqué des frises d’or, s’étend une voûte à caissons, en laque ouvragée, noir et or. Derrière la colonnade du fond, la partie reculée où sans doute se tiennent les dieux, est cachée par de longs rideaux en brocart, toujours noir et or, dont les plis rigides tombent du haut jusqu’en bas. À terre, sur les nattes blanches, sont posés de grands vases d’or d’où s’échapper des gerbes de lotus d’or aussi hauts que des arbres. Et enfin, du plafond, pendent comme des serpents morts, comme des cadavres de boas monstrueux, une quantité d’étonnantes « chenilles » de soie, d’une grosseur de bras humain, teintes de blanc, de jaune, d’orangé, de brun rouge et de noir, en nuances bizarrement dégradées comme on en voit sur la gorge de certains oiseaux des Îles.

Des bonzes psalmodient dans un coin, assis en rond autour d’un tambour-à-prières qui pourrait les contenir tous. Ils chantent des espèces de strophes sans cesse reprises sur le même air mélancolique ; chaque couplet, avant de finir, se prolonge en agonie, se traîne comme un souffle, comme un souffle mourant qui tremble, en même temps que les têtes s’abaissent toujours plus vers la terre, — puis s’arrête brusquement sur un coup du gigantesque tambour. Et alors les têtes se relèvent et le couplet suivant commence, tout