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Mais les siècles, les incendies, les guerres, ont anéanti tout cela. Lui seul, qui était une masse en bronze, c’est-à-dire une chose presque indestructible et éternelle, est resté debout. Et à présent il habite à ciel ouvert, avec des cigales qui lui chantent une plus immuable musique ; il fait son sourire à la verdure, aux cèdres qui ont poussé sur l’emplacement de sa belle demeure disparue.

Une des premières portes de son sanctuaire subsiste encore, avec les deux horribles dieux gardiens, l’un bleu et l’autre rouge, qui sont inévitables au seuil de tous les temples. On trouve, après ce portique, un jardinet bien gentil et bien japonais, avec des arbustes nains taillés en imitation de divers objets bizarres, — et, par une allée de sable que longe une correcte bordure verte, on arrive au pied même de l’immense personnage.

Il est assis, les jambes croisées, les mains réunies. Une vague épouvante religieuse, que nous n’attendions pas, nous vient de son énormité écrasante et de son calme souriant.

Le soleil fait doucement luire un côté de sa tête et le haut de ses monstrueuses épaules. S’il se levait, il serait grand comme une montagne. Le dessin de sa figure est très archaïque, ses yeux mi-clos s’allongent démesurément, ses oreilles sont exagérées et retombantes ; mais son expres-