Page:Loti - Japoneries d’automne, 1926.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette guerrière aventureuse un sentiment rétrospectif qui est comme un semblant très original d’amour. Une coïncidence a donné vie à l’image d’elle que je m’étais formée : le soir du jour où j’avais lu son histoire, il m’a été permis de contempler un moment, au fond des jardins murés du palais d’Yeddo, la mystérieuse impératrice actuelle. Et j’ai identifié la femme vivante avec la femme passée ; celle d’aujourd’hui assez différente, sans doute, de celle d’autrefois, plus frêle à force d’affinement, fille d’une race trop vieille ; mais les mêmes yeux à peine ouverts et froidement dominateurs, le même petit nez légèrement courbé en bec d’aigle, le même sourire et le même charme d’incompréhensible déesse. J’ai eu la vision très intense de la souveraine antique, passant sur son cheval d’armes, suivie de « ses guerriers-à-deux-sabres » coiffés de cornes et masqués de figures de monstres, — exquise et froide au milieu de toute la pompeuse épouvante des batailles.

. . . . . . . . . . . . . . . .

À l’extrémité de l’avenue, près des jardins abandonnés qui entourent la base du temple, il y a encore, de chaque côté, quelques maisonnettes alignées, formant comme le reste d’une rue : maisons-de-thé, hôtelleries à l’usage des pèlerins et des curieux qui viennent visiter les reliques. C’est une sorte de village pas ordinaire, perdu dans les