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tenait, en l’an 1200, sa cour académique et ses tournois de poètes, — s’est effondrée, pulvérisée. Elle était en bois ; on l’a emportée par morceaux, ou bien elle s’est vermoulue, pourrie, ne laissant même pas de ruines. Et maintenant tout y est noyé dans la verdure ; c’est devenu le bocage, la forêt, le désert.



Aujourd’hui 12 novembre, dans ce bois qui fut une ville, les cigales chantent partout, au dernier soleil d’automne ; les gerfauts jettent dans l’air leur : « Han ! han ! han ! » qui est un bruit particulier aux campagnes japonaises, et les corbeaux poussent leurs croassements lugubres. Le temps est encore tiède, la lumière encore claire ; mais les lotus, déjà touchés par le froid des matins, penchent sur l’eau leurs feuilles jaunies. La mélancolie de novembre s’ajoute à celle de toute cette antiquité morte qu’on sent autour de soi tombée sous l’herbe et la mousse.

En effet, les temples sont restés debout ; on aperçoit maintenant de tous côtés leurs portiques sombres, leurs hautes toitures étranges, mêlées aux branches des cèdres.

Et voici celui des « Huit-Drapeaux » qui les domine tous. Il est sur une montagne, à mi-côret dans un bois.