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dour, fille d’un de nos plus brillants officiers du génie.

Vraiment elle est tout à fait habillée comme une jeune fille à marier de notre pays (un peu provinciale, il est vrai, de Carpentras ou de Landerneau) et elle sait manger proprement les glaces avec une cuiller, du bout de ses doigts bien gantés. — Tout à l’heure pourtant, en rentrant chez elle, dans quelque maison à châssis de papier, elle va, comme toutes les autres femmes, quitter son corset en pointe, prendre une robe brodée de cigognes ou d’autres oiseaux quelconques, s’accroupir par terre, dire une prière shintoïste ou bouddhiste, et souper avec du riz dans des bols, à l’aide de baguettes. Nous sommes devenus très camarades, cette brave petite demoiselle et moi. Comme la valse est longue, — une valse de Marcailhou — et qu’il fait chaud, nous imaginons d’ouvrir une porte-fenêtre et de sortir par là, afin de prendre l’air sur la terrasse. Nous avions oublié l’ambassade Céleste, qui depuis le commencement du bal avait élu domicile dans ce lieu frais, et nous tombons au milieu du cercle imposant qu’elle forme avec ses longues robes et ses moustaches à la mongole.

Tous ces yeux chinois, rendus un peu insolents peut-être par les récentes affaires du Tonkin, nous regardent, étonnés de notre arrivée. Nous les regardons aussi, et nous voilà, nous dévisa-