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petites vendanges à la Watteau sont du dernier galant.

Bien qu’on m’ait prévenu que c’est une chose contraire à toute étiquette, absolument inadmissible, après avoir dansé avec tant de Nippones en robe française, je m’en vais là-bas, vers le groupe un peu hiératique dont l’étrangeté m’attire, inviter une belle mystérieuse en vieux costume de cour.

Devant l’air un peu moqueur de la dame qui me regarde approcher, me défiant de mon japonais détestable, je fais ma demande en français très pur. Elle ne comprend pas, naturellement ; ne devine même pas, tant c’est inattendu, — et, des yeux, en appelle une autre, assise derrière elle, qui du reste s’était levée d’elle-même en voyant le commencement de ce colloque sans présentation, comme pour y mettre bon ordre. Et celle-ci, debout maintenant, sa forme de femme perdue dans son vêtement rigide à grandes rosaces blasonnées, fixe sur moi de jolis yeux intelligents, subitement élargis comme au sortir d’une espèce de sommeil, et très éveillés, très noirs :

— Monsieur ? dit-elle en français, avec un accent d’une distinction bizarre, — monsieur ? que lui demandez-vous ?

— L’honneur de danser avec elle, madame.

Brusquement ses sourcils minces remontent