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Nous sommes reçus là par des moines italiens, à la parole et aux gestes communs, qui nous font asseoir dans une salle d’attente et nous y laissent seuls. Une table à manger occupe le milieu de cette salle ; elle est couverte d’une grossière toile cirée et garnie de verre de vin, ou de « bocks » vidés. Aux murs, des « chromos » représentant des choses quelconques, la reine Victoria, je crois, et l’empereur d’Autriche… Où sommes-nous, vraiment, dans quelle auberge, dans quel estaminet de barrière ?… Nous avions été prévenus, nous attendions des profanations, mais pas cela !… Ce nom de Bethléem, qui rayonnait, il vient de tomber pitoyablement à nos pieds, et c’est fini ; dans un froid mortel, tout s’effondre… Nous demeurons là, silencieux et durs, dans une tristesse sans borne et dans un écœurement hautain… Oh ! pourquoi sommes-nous venus ; pourquoi n’être pas partis tout de suite, retournés vers le désert, ce matin, quand, du fond des vallées d’en bas, Bethléem encore mystérieuse et douce nous est apparue ?…

C’est notre tour, à présent, de visiter. On nous appelle, on va nous conduire dans la grotte où le Christ est né…

Sous les cloîtres, en passant, nous croisons des gens qui en reviennent, des pèlerins russes dont les