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ou se déploient comme des banderoles impalpables, en s’éteignant toujours.

De dernières rougeurs, presque livides, paraissent encore çà et là sur les nuages.

De derniers lambeaux de cette gaze lumineuse traînent au hasard dans l’espace, en tremblant toujours. Ils deviennent de plus en plus diaphanes. Ils sont si vagues, qu’on a peine à les suivre. Ils sont si ténus, que l’œil les perd. Ils ne sont plus rien. La lumière polaire est éteinte. L’aurore boréale vient de mourir.

La nuit noire et glacée nous enveloppe et nous n’y voyons plus, au milieu de ce chaos déchiqueté qui est une mer figée.

……………….

PLUMKETT. — Pardon ; nos yeux sont habitués à l’obscurité, mon cher Loti, et nous pouvons encore parfaitement nous diriger. D’ailleurs voici la première clarté indécise du jour d’hiver qui se lève. Devant nous, comme je vous le disais, nous voyons surgir sur la ligne d’horizon des petits points noirs, qui deviennent des masses, qui, insensiblement, montent, montent, à mesure que nous nous en rapprochons, et s’élèvent enfin rapidement au-dessus de la surface polie et réfléchissante du golfe gelé. Une ligne brunâtre vient ensuite réunir tous ces petits îlots épars qui prennent à nos yeux des aspects formidablement guerriers : c’est la côte du Pé-tchili, c’est l’entrée du Pé-ho ou rivière du