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étalages de changeurs et d’usuriers… Là, je me reconnais tout à fait, par exemple, et le cœur me bat plus fort, car ma maison doit être bien près.

J’avais du reste gardé de ce marché un souvenir très singulier, unique même entre tous. Habitant d’Hadjikeuï ou habitant d’Eyoub, j’y venais chaque soir avec Achmet pour changer, pour emprunter de l’argent à ces juifs, ou bien encore pour leur acheter les pains et les gâteaux destinés au dîner mystérieux d’Aziyadé. C’est que Constantinople est la seule ville du monde où j’aie été vraiment mêlé à la vie du peuple, — à la vie de ce peuple oriental, bruyant, coloré, pittoresque, mais besoigneux, pauvre, actif à mille petits métiers, à mille petits brocantages.