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Je n’avais pas vu hier au soir les passagers de troisième classe qui encombrent le pont : ce sont bien de vrais Turcs, ceux-ci, les hommes en cafetan, les femmes voilées. Et puis tout à coup, comme nous approchons de la terre, il nous arrive une senteur pénétrante, spéciale, exquise à mes sens, — une senteur jadis si bien connue et depuis longtemps oubliée, la senteur de la terre turque, quelque chose qui vient des plantes ou des hommes, je ne sais, mais qui n’a pas changé et qui, en un instant, me ramène tout un monde d’impressions d’autrefois. Alors, brusquement, il se fait dans mon existence comme un trou de dix années, un effondrement de tout ce qui s’est passé depuis ce jour d’an-