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choses qui me glacent et qui me brûlent. Être arrêté à chaque minute par la pitié de la voir si fatiguée, par le remords de l’avoir achevée peut-être, en lui faisant faire ce matin cette longue course. Sentir entre elle et moi, pour augmenter encore le nuage obscur, les difficultés d’une langue que nous ne possédons ni l’un ni l’autre d’une façon parfaite. Et me dire pourtant qu’il faut profiter à tout prix de ce moment unique, parce que je vais partir demain et parce qu’elle va mourir ; elle est le seul trait d’union qui soit encore à peu près vivant entre ma chère petite amie et moi ; quand on l’aura mise en terre, tout lien sera coupé à jamais ; ce que je ne ferai pas sortir, aujourd’hui même, de cette mémoire à