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nade sur l’autre rive, et bientôt, le pont franchi, me voici engagé dans l’immense Stamboul, noir, fermé et mort. Pendant le jour, retenu ailleurs, je n’avais fait que l’apercevoir de loin et, après ces dix années, j’y arrive en pleine nuit, absolument comme le soir où j’y étais venu pour la première fois de ma vie, pendant une fête de Baïram.

Nuit obscure, les étoiles ternies. Mes yeux s’y habituent ; je finis par y voir, et, sans peine, comme si j’en étais parti d’hier, je me dirige au trot dans ce dédale, entre les grands murs sans fenêtres, reconnaissant au passage les vieux palais grillés, les kiosques funéraires où des veilleuses brûlent, les dômes des pâles mosquées silencieuses qui s’étagent dans