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hélas, pour l’avoir d’autres fois connu), ce sentiment de la décoloration et de la fin de tout sur terre ; puis, le moment d’après, un retour de vie avec une sorte de triomphe égoïste à me retrouver encore vivant, encore jeune, encore altéré d’amour ; et je me laisse troubler malgré moi par tout ce pays d’Orient, par cette tiédeur du soir, par ces souvenirs d’ivresses passées, par toutes les choses auxquelles je ne devrais jamais plus prendre garde.

Dix ans, pour nos âmes humaines qui durent si peu, c’est vraiment une période infiniment longue !… Dix ans de séparation et de silence, cela creuse comme des trous dans le souvenir ; cela amène une désuétude, des instants d’oubli étranges,