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était un trait d’union avec le cher passé.

Mon batelier, d’un air câlin d’enfant fatigué, me montre ses bras nus, qui commencent, dit-il, à lui faire mal : « Faut-il toujours aller aussi vite ? » — Ah ! non, à quoi bon maintenant ; j’oubliais de le lui dire… Je n’ai plus de but, et personne ne m’attend nulle part, dans cette grande ville où je ne suis plus connu que des morts. Peu importe où nous irons maintenant. Plus rien à faire qu’à errer, libre et seul, en recherchant çà et là des traces, des souvenirs d’autrefois. Alors je lui réponds : « Va très doucement au contraire, va où tu voudras ; laisse dormir le caïque au fil de l’eau, rentre tes rames et repose-toi ; croise tes bras si tu veux et chante… »