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XXVI

À LOTI, DE SA SŒUR

Brightbury…, 1876.
Frère chéri,

Depuis hier, je traîne le désespoir dans lequel m’a mise ta lettre… Tu veux disparaître !… Un jour, peut-être prochain, où notre bien-aimée mère nous quittera, tu veux disparaître, m’abandonner pour toujours. Table rase de tous nos souvenirs, engloutissement de notre passé, — la vieille case de Brightbury vendue, les objets chéris dispersés, — et toi qui ne seras pas mort… ! qui seras là quelque part à végéter sous la griffe de Satan, quelque part où je ne saurai pas, mais où je sentirai que tu vieillis et que tu souffres !… Que Dieu plutôt te fasse mourir ! Alors, je te pleurerai ; alors, je saurai qu’il faut ainsi que le vide se fasse, j’accepterai, je souffrirai, je courberai la tête.

Ce que tu dis me révolte et me fait saigner la chair. Tu le ferais donc, puisque tu le dis ; tu le