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froid mortel au cœur. Il est peu de gens avec lesquels ce garçon, très renfermé par nature, cause quelquefois d’une manière un peu intime, — mais vous êtes de ces gens-là. — J’ai beau faire, Plumkett, je ne suis pas heureux ; aucun expédient ne me réussit pour m’étourdir. J’ai le cœur plein de lassitude et d’amertume.

Dans mon isolement, je me suis beaucoup attaché à ce va-nu-pieds ramassé sur les quais de Salonique, qui s’appelle Samuel. Son cœur est sensible et droit ; c’est, comme dirait feu Raoul de Nangis, un diamant brut enchâssé dans du fer. De plus, sa société est naïve et originale, et je m’ennuie moins quand je l’ai près de moi.

Je vous écris à cette heure navrante des crépuscules d’hiver ; on n’entend dans le voisinage que la voix du muezzin qui chante tristement, en l’honneur d’Allah, sa complainte séculaire. Les images du passé se présentent à mon esprit avec une netteté poignante ; les objets qui m’entourent ont des aspects sinistres et désolés ; et je me demande ce que je suis bien venu faire, dans cette retraite perdue d’Eyoub.

Si encore elle était là, — elle, Aziyadé !…