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caresses qu’il prodigue à madame Karagueuz sont d’un comique irrésistible.

Il arrive à Karagueuz d’interpeller les spectateurs et d’avoir ses démêlés avec le public. Il lui arrive aussi de se permettre des facéties tout à fait incongrues, et de faire devant tout le monde des choses qui scandaliseraient même un capucin. En Turquie, cela passe ; la censure n’y trouve rien à dire, et on voit chaque soir les bons Turcs s’en aller, la lanterne à la main, conduire à Karagueuz des troupes de petits enfants. On offre à ces pleines salles de bébés un spectacle qui, en Angleterre, ferait rougir un corps de garde.

C’est là un trait curieux des mœurs orientales, et on serait tenté d’en déduire que les musulmans sont beaucoup plus dépravés que nous-mêmes, conclusion qui serait absolument fausse.

Les théâtres de Karagueuz s’ouvrent le premier jour du mois lunaire du Ramazan et sont fort courus pendant trente jours.

Le mois fini, tout se ramasse et se démonte. Karagueuz rentre pour un an dans sa boîte et n’a plus, sous aucun prétexte, le droit d’en sortir.