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À Salonique, il était un peu va-nu-pieds, batelier et portefaix. Ici, comme là-bas, il exerce son métier sur les quais ; comme il a meilleure mine que les autres, il a beaucoup de pratiques et fait de bonnes journées ; le soir, il soupe d’un raisin et d’un morceau de pain, et rentre à la case, heureux de vivre.

La roulette ne donne plus, et nous voilà fort pauvres tous deux, mais si insouciants que cela compense ; assez jeunes d’ailleurs pour avoir pour rien des satisfactions que d’autres payent fort cher.

Samuel met deux culottes percées l’une sur l’autre pour aller au travail ; il se figure que les trous ne coïncident pas et qu’il est fort convenable ainsi.

Chaque soir, on nous trouve, comme deux bons Orientaux, fumant notre narguilhé sous les platanes d’un café turc, ou bien nous allons au théâtre des ombres chinoises, voir Karagueuz, le Guignol turc qui nous captive. Nous vivons en dehors de toutes les agitations, et la politique n’existe pas pour nous.

Il y a panique cependant parmi les chrétiens de Constantinople, et Stamboul est un objet d’effroi