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sans mot dire sur les dalles de marbre. La mosquée, à cette heure matinale, était d’une blancheur de neige ; des centaines de pigeons ramiers picoraient et voletaient dans les cours solitaires.

Les deux derviches, en robe de bure, soulevèrent la portière de cuir qui fermait le sanctuaire, et il me fut permis de plonger un regard dans ce lieu vénéré, le plus saint de Stamboul, où jamais chrétien n’a pu porter les yeux.

C’était la veille du sacre du sultan Abd-ul-Hamid.

Je me souviens du jour où le nouveau sultan vint en grande pompe prendre possession du palais impérial. J’avais été un des premiers à le voir, quand il quitta cette retraite sombre du vieux sérail où l’on tient en Turquie les prétendants au trône ; de grands caïques de gala étaient venus l’y chercher, et mon caïque touchait le sien.

Ces quelques jours de puissance ont déjà vieilli le sultan ; il avait alors une expression de jeunesse et d’énergie qu’il a perdue depuis. L’extrême simplicité de sa mise contrastait avec le luxe oriental dont on venait de l’entourer. Cet homme, que l’on tirait d’une obscurité relative pour le conduire