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En effet, mon pauvre ami, votre part de chagrins est lourde aussi, et vous les sentez plus vivement que d’autres parce que, pour votre malheur, vous avez reçu comme moi ce genre d’éducation qui développe le cœur et la sensibilité.

Vous avez tenu vos promesses, sans doute, en ce qui concerne la jeune femme que vous aimez. À quoi bon, mon pauvre ami, au profit de qui et en vertu de quelle morale ? Si vous l’aimez à ce point et si elle vous aime, ne vous embarrassez pas des conventions et des scrupules ; prenez-la à n’importe quel prix, vous serez heureux quelque temps, guéri après, et les conséquences sont secondaires.

Je suis en Turquie depuis cinq mois, depuis que je vous ai quitté ; j’y ai rencontré une jeune femme étrangement charmante, du nom d’Aziyadé, qui m’a aidé à passer à Salonique mon temps d’exil, — et un vagabond, Samuel, que j’ai pris pour ami. Le moins possible j’habite le Deerhound ; j’y suis intermittent (comme certaines fièvres de Guinée), reparaissant tous les quatre jours pour les besoins du service. J’ai un bout de case à Constantinople, dans un quartier où je suis inconnu ; j’y mène une vie qui n’a pour règle que ma fantaisie,