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des mirages, qui n’a pas vu encore où il fallait qu’il reposât sa tête fatiguée, son aile frémissante.

Mirage à Salonique, mirage ailleurs ! Tournoie, tournoie toujours, jusqu’à ce que, dégoûté de ce vol inconscient, tu te poses pour la vie sur quelque jolie branche de fraîche verdure… Non ; tu ne briseras pas tes ailes, et tu ne tomberas pas dans le gouffre, parce que le Dieu des petits oiseaux a une fois parlé, et qu’il y a des anges qui veillent autour de cette tête légère et chérie.

C’est donc fini ! Tu ne viendras pas cette année t’asseoir sous les tilleuls ! L’hiver arrivera sans que tu aies foulé notre gazon ! Pendant cinq années, j’ai vu fleurir nos fleurs, se parer nos ombrages, avec la douce, la charmante pensée que je vous y verrais tous deux. Chaque saison, chaque été, c’était mon bonheur… Il n’y a plus que toi, et nous ne t’y verrons pas.

Un beau matin d’août, je t’écris de Brightbury, de notre salon de campagne donnant sur la cour aux tilleuls ; les oiseaux chantent, et les rayons du soleil filtrent joyeusement partout. C’est samedi, et les pierres, et le plancher, fraîchement lavés,