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monde où j’ai vécu et aimé, mes amis, mon frère, des femmes de diverses couleurs que j’ai adorées, et puis, hélas ! le foyer bien-aimé que j’ai déserté pour jamais, l’ombre de nos tilleuls, et ma vieille mère…

Pour elle qui est là couchée, j’ai tout oublié !… Elle m’aimait, elle, de l’amour le plus profond et le plus pur, le plus humble aussi ; et tout doucement, lentement, derrière les grilles dorées du harem, elle est morte de douleur, sans m’envoyer une plainte. J’entends encore sa voix grave me dire : « Je ne suis qu’une petite esclave circassienne, moi… Mais, toi, tu sais ; pars, Loti, si tu le veux ; fais suivant ta volonté ! »

Les fanfares retentissaient dans le lointain, sonores comme les fanfares bibliques du jugement dernier ; des milliers d’hommes criaient ensemble le nom terrible d’Allah, leur clameur lointaine montait jusqu’à moi et remplissait les grands cimetières de rumeurs étranges.

Le soleil s’était couché derrière la colline sacrée d’Eyoub, et la nuit d’été descendait transparente sur l’héritage d’Othman…

… Cette chose sinistre qui est là-dessous, si près