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dans la vie, à Londres, livré à moi-même à seize ans ; j’ai goûté un peu toutes les jouissances ; mais je ne crois pas non plus qu’aucun genre de douleur m’ait été épargné. Je me trouve fort vieux, malgré mon extrême jeunesse physique, que j’entretiens par l’escrime et l’acrobatie.

Les confidences d’ailleurs ne servent à rien ; il suffit que vous ayez souffert pour qu’il y ait sympathie entre nous.

Je vois aussi que j’ai été assez heureux pour vous inspirer quelque affection ; je vous en remercie. Nous aurons, si vous voulez bien, ce que vous appelez une amitié intellectuelle, et nos relations nous aideront à passer le temps maussade de la vie.

À la quatrième page de votre papier, votre main courait un peu vite sans doute, quand vous avez écrit : « une affection et un dévouement illimités. » Si vous avez pensé cela, vous voyez bien, mon cher ami, qu’il y a encore chez vous de la jeunesse et de la fraîcheur, et que tout n’est pas perdu. Ces belles amitiés-là, à la vie, à la mort, personne plus que moi n’en a éprouvé tout le charme ; mais, voyez-vous, on les a à dix-huit ans ; à vingt-cinq, elles sont finies, et on n’a plus de dévouement que